Introduction
Le présent rapport résume les essais initiaux réalisés avec l’interface PAFI sur l’effet de méthodes de collage des barrages. Une exploration initiale de plusieurs méthodes de collage et de leur effet supposé sur le son ainsi que l’expérimentation de différentes méthodes de captations ont été réalisés.
Cadre
Dans le cadre de la collaboration avec l’ITEMM (institut européen des technologies de la musique) et de l’université du Maine (François Gautier) pour le développement de l’interface PAFI, un premier projet a été soumis par l’école Bruand. Ce projet en est un parmi d’autres soumis par les différents luthiers ou écoles de lutherie à la demande de François Gautier et son équipe. Les projets ont comme prémisse de base de répondre à une question que se posent les luthiers.
Description du projet
But : mesurer avec PAFI la mobilité au fil de plusieurs exemplaires d’une même simplification de table d’harmonie
Ces tables simples (rectangle sur lequel est fixé un barrage en son centre) ont été fabriquées selon 4 méthodes de collages différentes : collées par pression des doigts, à l’aide de go bars, avec des serres joint d’acier et sous vide.
Les tables sont montées sur une boite de contre-plaqué massive (comparativement à une caisse de guitare) comportant une bouche pour permettre davantage de résonnance et au mode d’Helmholtz de s’exprimer. Elles sont tenues en place par un cadre s’appuyant sur tout le pourtour de la boite et vissé sur le côté par quatre écrous.
Un petit trou est percé au centre du barrage pour enfiler le fil de cuivre
Les table font 6 3/4po x14po x3/32po, pèsent entre 72g et 88g (avec barrage), faites d’épicéa de Sitka
La boite fait 5 1/2po x12 1/2po x7po (dimension intérieures), d’une épaisseur de 3/4po avec un trou de diamètre 2po sur un côté
Les barrages font 7/32po, x10po x1/2po
Figure 1. Boite, table et assemblage
Mesures initiales
Une série de mesures ont été réalisées au fil dans un premier temps. Les premiers constats quant aux manipulations se résument à :
L’assemblage du couvercle laisse des cliquetis audibles s’il n’est pas bien serré. Ceci laisse à penser que l’assemblage lui-même peut introduire des dispersions de réponses
Faire une bonne mesure démontrant un signal propre (non contaminé par un glissement ou des bruits parasites) demande un certain doigté
Plusieurs essais sont requis pour développer la bonne technique permettant de réussir une mesure
Résultats préliminaires
Pour chaque table mise à l’essai, 5 mesures ont été faites. Dans la figure [2], une moyenne des réponses par table sont montrées. On constate déjà que pour la table doigts4, il y a un décalage important du mode fondamental de la table (de 212Hz à 266Hz). Ceci est attribuable à l’assemblage variable causé par le couvercle tel que démontré plus tard. On peut aussi constater que le mode de Helmholtz demeure constant à ~100Hz. Ce mode pouvait être prédit à 113Hz par la formule du résonateur d’Helmholtz corrigée.
Figure 2. Courbes moyennes des mobilités
Formule de la résonnance d’Helmholtz :
Où v est la vitesse du son dans l’air, A est l’aire du trou, V est le volume de la cavité et L est la longueur du cylindre. Pour arriver à une fréquence plus proche de la réalité, nous devons corriger la longueur pour tenir compte du fait que le ratio L/D est petit. La correction consiste à y ajouter une valeur de 0.8xD (diamètre du trou) et nous obtenons le 113Hz ci-haut mentionné.
On remarque aussi une dispersion importante des amortissements quand on trace côté à côte tout ceux qu’on trouve pour l’ensemble des mesures prisent avec une seule méthode de collage. Ici encore, l’assemblage et le serrage des différentes tables sont mis en cause (voir figure [3]).
Mesures au marteau et équipement de laboratoire
Afin de clarifier les mesures obtenues de PAFI, François Gautier est venu à Montréal dans les locaux de Bruand effectuer une autre série de mesures à l’aide d’équipement plus versatile et précis.
Il a été possible de retrouver par ce système les fréquences trouvées par PAFI par les mesures au fils. Il a aussi été possible de confirmer le mode d’Helmholtz en bouchant l’ouverture à l’aide de mousse et en observant sa disparition de l’analyse modale (voir figure 4 a. et b.).
Il a aussi été constaté qu’un serrage différent d’une même table entraînait des résultats significativement différents (voir figure [5]).
Finalement, une grande dispersion fréquentielle des résultats a été constatée également en effectuant des mesures sur plusieurs tables (voir figure [6]). Dans le cadre de ces mesures, les tables sont « libres » simplement maintenues par des élastiques et la boite n’est plus utilisée.
Figures 4 a. Montrant la résonnance d’Helmholtz, b. sans la résonnance
Figure 5. Effet de l’assemblage sur la fréquence fondamentale
Figure 6. Variations des résultats pour différentes tables
Validation de model d’éléments finis
Afin d’affiner les modèles d’éléments finis utilisés par l’école pour ses autres projets de recherches, une étude numérique a été conduite basée sur ce modèle simple de table.
Le modèle comprend la table et son barrage modélisés d’un seul morceau. Les dimensions ci-haut mentionnées ont été utilisées et la densité des matériaux a été modifiée pour atteindre le poids de table/barrage « doigt #4 » de 83g dont la réponse est montrée à la figure 8. Un module de rigidité a été approximé à 9900MPa pour l’épicéa. L’orthotropie a été considérée et les propriétés transverses estimées au dixième des propriétés longitudinales (tirés de : Mechanical Properties of Wood David W. Green, Jerrold E. Winandy, and David E. Kretschmann). Un facteur de correction de 1.36 a été utilisé sur les rigidités pour refléter la différence de densité entre celle mentionnée dans la référence citée et la densité estimée par le poids de l’ensemble table/barrage.
Il est à noter que des différences très significatives de masse ont été observées pour les différents assemblages de l’ordre de 30% (voir tableau 1.), ce qui a une influence très marquée sur la valeur des fréquences mesurées d’une table à l’autre. L’ordre de grandeur des variations dues à la densité est le même celui des conditions de montage.
Collage sous vide |
Collage aux |
Collage en serres |
Collage go bars |
(g) |
doigts (g) |
(g) |
(g) |
|
|
|
|
72 |
87 |
83 |
88 |
|
|
|
|
72 |
72 |
73 |
75 |
|
|
|
|
70 |
Absente |
85 |
84 |
|
|
|
|
72 |
83 |
67 |
71 |
Tableau 1. Poids des assemblages table-barrage
Les conditions frontières ont été assumées comme des encastrements le long des côtés de la plaque. Une fréquence fondamentale de 272Hz est obtenue du modèle, ce qui est proche du 265Hz observé à la figure 8. Compte tenu du mode de sollicitation de la mesure au fil (tiré par le centre du barrage), la forme du premier mode semble valide (figure 9). Il est raisonnable de penser que les conditions frontières aux bords de la plaque se comporteront entre des appuis simples et des encastrements. Des appuis simples renvoient une fréquence fondamentale de 203Hz, ce qui semble suggérer que les conditions sont plus proches d’encastrement que d’appuis simple. Dans tous les cas, la forme du premier mode semble avoir été correctement identifiée.
On note une certain arrimage des modes trouvés par éléments finis et ceux mesuré avec PAFI. Des modes sont présents entre la fréquence fondamentale et le 577Hz. Leurs présence est cependant faible et on pourrait l’expliquer par le fait qu’ils ont un nœud à l’endroit de la sollicitation. Le mode de 634Hz trouvé par élément finis pourrait bien être celui de 640Hz mesuré avec PAFI.
Il a aussi été tenté de corréler le modèle pour une table complètement libre. Les résultats sont présentés à la figure 11. On note des similitudes entre les modes 93Hz, 145Hz et 169Hz mesurés (figure 6.) et les modes de 83Hz, 140Hz et 205Hz du modèle d’éléments finis.
L’exercice permet de constater les limites des modèles d’éléments finis lorsqu’il s’agit de prédire la forme, la valeur et l’amortissement associés aux modes réels mesurés. La variation des conditions frontières de cette simple table peut faire varier les fréquences de même que la densité des bois choisis. À cela on doit ajouter les incertitudes dans les propriétés des bois. L’orthotropie s’avère également essentielle à modéliser pour obtenir une distribution plus juste des modes compte tenu de l’écart significatif entre les rigidités orthogonales. Il s’agit ici d’une preuve de plus que les éléments finis doivent être utilisés à des fins comparatives et indicatives plus que prédictives à moins d’être couplés à plusieurs étapes de validation intermédiaires.
Figure 8. Spectre réponse pour assemblage doigt #4.
Figure 9. Fréquence fondamentale 272Hz.
Figure 10. Modes 2-4
Figure 11. Modes de vibration de la table libre
Conclusions
La prise de mesure est délicate et demande plusieurs essais (surtout au fil)
Les premiers essais sur PAFI effectués sur un modèle simple de table dans le but de distinguer les effets de différents collages n’ont pas permis d’identifier clairement des différences entre les tables car la dispersion des résultats est trop importante due aux différences de densités et de montage
La proposition, bien que simple, demeure complexe et variable
Un modèle de table flottante (excluant l’assemblage avec la boite) montée sur des élastiques sera envisagé pour poursuivre les essais mais ici encore, la significative disparité des densités semble être un obstacle aux conclusions
Les modèles d’éléments finis demeurent difficiles à calibrer
D’autres questions seront considérées pour la poursuite des essais avec
PAFI dont entre autre, l’effet de l’inertie du chevalet sur la réponse.
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